Science hybride: création d'un cochon mi-singe
C'est un événement sans précédent. Des chercheurs en biologie sont parvenus à former des animaux très spéciaux, mi-cochon mi-singe. Une création qui pose des questions d'ordre éthique.
De l’extérieur, ils ressemblent à des cochons tout à fait normaux. Mais à l’intérieur, ces deux porcelets sont aussi de “très petits singes”. En Chine, une équipe de chercheurs a en effet réussi a généré des créatures hybrides, en injectant des cellules souches de primates dans des embryons de porcs fécondés, selon le site scientifique New Scientist. Ils ont ensuite été implantés dans des truies. Les deux bébés en résultant sont appelés chimères, ce qui signifie qu'ils contiennent à la fois de l'ADN de cochon et de singe.
À travers cette expérience, les scientifiques visent à développer des organes humains chez les animaux, pour pouvoir les transplanter chez les humains et apporter une solution à la pénurie. À titre d'illustration, en 2018, les patients français en attente de greffe étaient près de 25.000 pour 5 800 greffés. Pour l'instant, ils prévoient cependant de s'en tenir aux cellules de singe : développer des chimères homme-animal présente une multitude de “problèmes éthiques”, notent-ils dans leurs conclusions, publiées dans la revue Protein & Cell le 28 novembre dernier.
Peu de cellules de primate
Pour créer ces chimères, les auteurs de l’étude ont d'abord cultivé des cellules de macaque crabier (Macaca fascicularis) dans des boîtes de laboratoire. Ils ont ensuite modifié l’ADN de ces cellules en y insérant les gènes codant une protéine fluorescente, appelée GFP. Le but ? Les faire briller d'un vert vif. Ces cellules luminescentes en ensuite ont donné naissance à des cellules souches embryonnaires elles aussi luminescences. Ces dernières, désormais discernables, ont été injectées dans des embryons de porc. C’est ce processus “brillant” qui a permis aux chercheurs de suivre les cellules de singe dans les embryons évoluant en porcelets.
Au total, 4 000 embryons ont reçu cette injection. Dix porcelets sont nés des suites de la procédure. Mais seuls deux descendants ont développé à la fois de l’ADN de porc et de singe. En recherchant les taches fluorescentes, les scientifiques ont trouvé des cellules de primate dispersées dans plusieurs organes — le cœur, le foie, la rate, les poumons et la peau. Toutefois, au vu du nombre de cellules retrouvées, les chimères étaient à plus de 99 % porcines.
La peur d'une conscience humaine
Bien que faible, ce rapport dépasse en nombre la quantité de cellules humaines jamais cultivées chez une chimère homme-animal. En 2017, des scientifiques ont en effet créé des hybrides cochon-humain : ils n’ont réussi à faire croître qu'une seule cellule humaine pour 100.000 cellules porcines. Toutefois, pour des raisons éthiques, les embryons n'ont été autorisés à se développer que pendant un mois. En fait, ces expériences font craindre que les cellules humaines ne se développent dans le cerveau de la chimère, et accordent à l'animal une conscience humaine.
“Assez décourageant” ?
Dans l'immédiat, la co-auteure de l’étude et chercheuse au State Key Laboratory of Stem Cell and Reproductive Biology de Pékin (Chine) Tang Hai et ses collègues visent à augmenter la proportion de cellules de singe par rapport aux cellules de cochon. Et, à terme, développer des organes entiers de primate chez des porcs.
Néanmoins, pour le biologiste Paul Knoepfler, spécialiste des cellules souches à l'Université de Californie (États-Unis), ce faible rapport récemment révélé semble “assez décourageant”, déclare-t-il au New Scientist. Surtout que les deux chimères et les huit autres porcelets sont morts peu de temps après leur naissance. Les causes de leur décès reste peu claires. Selon Tang Hai, interrogée elle aussi par le site scientifique, ils seraient liés à la procédure de fécondation in vitro (FIV) plutôt qu'à l'injection d'ADN de singe, le chimérisme.